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Le type d’accidents de la route dans lesquels sont impliqués les conductrices et conducteurs qui ont consommé du cannabis serait différent de celui impliquant des conducteurs ayant consommé de l’alcool. C’est ce qu’a constaté une équipe de recherche après avoir étudié près de 7000 accidentés de la route, dont 30 % avaient de l’alcool ou du THC dans le sang.
Un échantillon de sang a été prélevé chez ces patients dans les 6 heures suivant l’accident, à l’urgence de l’un des 15 centres de traumatologie qui participaient à l’étude. «Ces prélèvements ont été faits pour des raisons médicales et non parce qu’on soupçonnait qu’il y avait eu consommation d’alcool ou de cannabis », précise l’un des auteurs de l’étude, Éric Mercier, de la Faculté de médecine et du Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval.
L’équipe de recherche, dont fait également partie Marcel Émond, de la Faculté de médecine de l’Université Laval, a quantifié la concentration d’alcool et de THC dans le sang de ces patientes et patients et ils l’ont mise en relation avec l’âge et le sexe des sujets, le lieu et l’heure de l’accident ainsi que la gravité des blessures. Les analyses ont révélé la présence de THC ou d’alcool chez 18 % et 17 % des patients respectivement. Elles ont aussi montré que 4 % des patients présentaient un taux élevé de THC (≥ 5 ng/ml) et que 13 % avaient un taux élevé d’alcool (≥ 0,08 %).
Parmi les accidentés, les hommes étaient surreprésentés, tant dans le groupe avec taux élevé de THC élevé que dans le groupe avec taux élevé d’alcool. Les jeunes étaient aussi plus à risque, particulièrement dans le groupe cannabis. «Un des résultats qui nous a frappés est que, chez les moins de 19 ans, 5 % présentaient un taux élevé de THC alors qu’à peine 3 % avaient un taux élevé d’alcool », souligne le professeur Mercier.
Les caractéristiques de l’accident semblent révélatrices d’un certain patron de consommation, suggèrent les résultats. Ainsi, il y a davantage de risque que les accidents impliquant des personnes ayant un taux élevé d’alcool se produisent la nuit, pendant la fin de semaine, en zones rurales, qu’ils impliquent un seul véhicule et qu’ils causent des blessures graves.
À l’opposé, il y a plus de risques que les accidents impliquant des personnes ayant un taux élevé de THC surviennent pendant la journée, un jour de semaine et qu’ils impliquent plusieurs véhicules. « Cela suggère une consommation routinière de cannabis plutôt qu’une consommation récréative dans un contexte spécial », avance Éric Mercier.
Lorsque les membres du personnel soignant traitent une patiente et un patient qui a eu un accident de la route typique de ceux qui surviennent sous l’effet du cannabis, ils devraient avoir une conversation avec la personne sur les risques que ce produit pose pour la conduite automobile « Des interventions de la sorte ont montré leur efficacité dans le cas de l’alcool », rappelle le professeur Mercier, qui est également médecin urgentologue et chef d’équipe en traumatologie à l’hôpital de l’Enfant-Jésus du CHU de Québec.
Les interventions des gouvernements pourraient aussi s’inspirer des résultats de cette étude, poursuit-il. « Nos données montrent que les jeunes de moins de 19 ans forment un groupe particulièrement à risque pour ce qui est de la conduite automobile sous l’effet du cannabis, ce qui n’est pas le cas pour l’alcool. La règle du zéro alcool prévue au Code de la sécurité routière pour les moins de 22 ans peut expliquer ce constat. Il faudrait envisager l’adoption d’une mesure similaire pour le THC. »
Enfin, les campagnes de sensibilisation portant sur les risques associés à la conduite automobile sous l’effet du cannabis auraient intérêt à cibler les jeunes hommes, un groupe chez qui la juste appréciation du risque fait parfois défaut. « Il existe une fausse croyance qui veut que le cannabis affecte peu la capacité de conduire. Une personne sous l’effet du cannabis est très mal placée pour évaluer son niveau d’intoxication et sa capacité à conduire. Il n’est pas mauvais de le redire et de rappeler que la conduite sous l’effet du cannabis peut avoir des conséquences graves pour soi-même et pour les autres », conclut le professeur Mercier.
Cette étude a été publiée dans la revue scientifique Addiction. Les signataires sont Eric Mercier et Marcel Emond de l’Université Laval, Jeffrey Brubacher, Herbert Chan, Shannon Erdelyi, Yue Yuan, John Taylor, Andrew Macpherson, Durr Al-Hakim, Jeffrey Eppler, de l’Université de la Colombie-Britannique, Raoul Daoust, de l’Université de Montréal, Christian Vaillancourt, de l’Université d’Ottawa, Brian H. Rowe, de l’Université de l’Alberta, Jacques Lee, de l’Université de Toronto, Paul Atkinson, Davis Clarke et Kirk Magee de l’Université Dalhousie, Phillip Davis et Jagadish Rao de l’Université de la Saskatchewan, Chrystal Horwood de l’Université Memorial ainsi que Ian Wishart de l’Université de Calgary.
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