17 avril 2023
Surmonter ses pensées négatives grâce à la méditation
Cet article est tiré de The Conversation, un média en ligne d'information et d'analyse de l'actualité indépendant qui publie des articles grand public écrits par des scientifiques et des universitaires, dont l'Université Laval est partenaire.
Un texte d'Anna Andrianova, coordonnatrice du Domaine d'expertise en Proche aidance, Centre de recherche et d'expertise en gérontologie sociale (CREGÉS),doctorante et chargée de cours à l'Université Laval.
Vous arrive-t-il de vous retrouver pris dans un cycle sans fin de pensées négatives ? Peut-être ruminez-vous sur vos erreurs passées, vous inquiétez-vous excessivement de l’avenir ou imaginez-vous des scénarios catastrophes ?
Est-ce que parfois vous passez une excellente journée, tout se déroule bien, et puis votre cerveau vous dit « Rappelle-toi ce moment où tu t’es ridiculisé devant tout le monde ? Revivons ce moment pendant les 20 prochaines minutes ». Et soudainement, votre bonne journée se transforme en un festival de malaise.
Si c’est le cas, sachez que vous n’êtes pas seul. De nombreuses personnes luttent contre des pensées négatives répétitives, et cela peut avoir un impact important sur la santé mentale et le bien-être.
En tant que coordonnatrice du domaine d’expertise en proche aidance au Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale, je souhaite apporter un éclairage sur l’impact négatif des pensées négatives répétitives sur la santé mentale et physique des proches aidants.
Les effets dévastateurs des pensées négatives répétitives
Les pensées négatives répétitives (PNR) sont un processus cognitif caractérisé par une réflexion persistante et intrusive sur les événements passés, communément connue sous le nom de rumination, et d’appréhensions quant aux possibilités futures, souvent appelées soucis.
Les PNR sont un schéma de pensée récurrent, indésirable et difficile à déloger qui est impliqué dans l’apparition et la perpétuation de divers troubles mentaux, tels que la dépression, l’anxiété et le syndrome de stress post-traumatique. De plus, les PNR ont été associées à une mauvaise santé physique et ont été liées à une probabilité accrue de problèmes de santé futurs. Les PNR peuvent avoir un impact négatif sur la qualité du sommeil, réduire l’efficacité et entraver les capacités de prise de décision.
Des études récentes ont révélé que l’intensité des PNR est liée à des changements dans la morphologie du cerveau, conduisant à une diminution des capacités cognitives générales et augmentant le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Même à faible niveau, les PNR peuvent avoir des effets néfastes sur les systèmes cardiovasculaire, nerveux autonome et endocrinien.
Alors, quelle serait la stratégie la plus efficace pour gérer les PNR ? Des recherches ont démontré une corrélation négative entre les PNR et la présence attentive, ce qui implique qu’un faible niveau de présence attentive peut augmenter la susceptibilité aux PNR.
Voyage vers le présent : le pouvoir transformateur de la présence attentive
La présence attentive peut être considérée comme une faculté ou une compétence mentale qui peut être développée par une pratique régulière. Elle consiste à cultiver une conscience bienveillante et réceptive du moment présent, sans porter de jugement sur ce qui se passe. L’objectif est d’être pleinement engagé dans ce qui se passe maintenant, plutôt que de s’égarer dans le passé ou de s’inquiéter pour l’avenir.
Il existe deux styles principaux de pratique de la présence attentive : la méditation d’attention focalisée et la méditation d’attention ouverte. La méditation d’attention focalisée implique de choisir un objet spécifique, comme la respiration, et de porter toute son attention sur celui-ci. Chaque fois que l’esprit s’évade, on le ramène simplement à l’objet de la concentration. En revanche, la méditation d’attention ouverte consiste à être conscient de tout ce qui se produit dans le moment présent. Au lieu d’essayer de se concentrer sur un objet spécifique, on observe simplement tout ce qui émerge dans l’expérience, y compris les pensées, les émotions et les sensations physiques.
Mais que se passe-t-il dans le cerveau pendant ces pratiques ? Des études récentes ont révélé que seule la méditation d’attention focalisée entraîne une désactivation du « réseau du mode par défaut » – un réseau de zones cérébrales qui sont normalement actives lorsque nous ne sommes pas concentrés sur une tâche particulière. Ce réseau est impliqué dans la pensée en « état de repos », qui implique la pensée négative répétitive. En désactivant le « réseau du mode par défaut », la méditation d’attention focalisée peut aider à réduire ce type de pensée nuisible.
Réduire les pensées négatives répétitives : une avancée pour les proches aidants
Dans le cadre de notre projet, nous développerons et examinerons une intervention visant à réduire les PNR chez les proches aidants.
Selon un rapport récent, plus de 8 millions de Canadiens âgés de 15 ans et plus, soit 25 % de la population, fournissent des soins à un membre de leur famille ou à un ami atteint d’une maladie chronique, d’un handicap ou de besoins liés au vieillissement.
Bien que l’aide apportée puisse être gratifiante, elle peut également être difficile et stressante, en particulier pour ceux qui fournissent des soins complexes ou intensifs. Le stress chronique est une expérience courante pour les proches aidants et il peut avoir un impact sur leur santé et leur bien-être. Une enquête auprès des proches aidants a révélé que leurs principaux besoins étaient la santé émotionnelle (58 %) et la santé physique (32 %). Les PNR sont fortement associées au fardeau des aidants et prédisent des impacts négatifs sur la santé physique et mentale des proches aidants.
Nous recruterons 100 proches aidants avec des niveaux élevés de PNR. L’intervention sera présentée aux participants sous forme de vidéos interactives qui les guideront dans la pratique de la méditation d’attention focalisée. Nous mesurerons les changements au niveau des PNR, du stress, de l’anxiété, de la dépression et de la qualité de vie avant et après l’intervention, ainsi que lors d’un suivi six mois après l’intervention.
Si l’intervention est efficace, elle pourrait servir de base au développement d’un outil innovant de surveillance et de réduction des PNR. Cet outil pourrait être déployé sous forme d’application mobile ou sur des plates-formes de réalité virtuelle, offrant aux proches aidants un accès à une intervention qu’ils peuvent utiliser à leur convenance. Cela pourrait considérablement étendre la portée de l’intervention, la rendant plus accessible et plus pratique pour les proches aidants qui n’ont peut-être pas le temps ou les ressources pour participer à des interventions en face à face traditionnelles.
Dans l’ensemble, le potentiel de l’intervention de méditation d’attention focalisée pour améliorer la santé mentale et physique des proches aidants, ainsi que le développement de nouveaux outils innovants, représente une avenue prometteuse dans le domaine des services de soutien aux proches aidants. Des recherches supplémentaires et la mise en œuvre de telles interventions pourraient considérablement améliorer la qualité de vie des proches aidants et des personnes aidées.
Après tout, pour reprendre les paroles du philosophe Marcus Aurelius, « le bonheur de votre vie dépend de la qualité de vos pensées ».
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.