21 mai 2024
Le glyphosate pourrait perturber la réponse du corps humain aux infections
Ce composé chimique, utilisé dans des herbicides tels que le Roundup, affecterait certains mécanismes utilisés par les globules blancs afin de protéger le corps humain contre les microorganismes infectieux.
Le glyphosate, l’ingrédient actif utilisé dans des herbicides tels que le Roundup, pourrait perturber la réponse du corps humain aux infections. C’est la conclusion à laquelle arrive une équipe de l’Université Laval dans une étude publiée récemment dans la revue Environmental Research. Les auteurs ont en effet découvert que ce composé chimique affecte certains mécanismes utilisés par les globules blancs afin de protéger le corps humain contre les microorganismes infectieux.
« Lorsque le glyphosate a été mis en marché dans les années 1970, on estimait qu’il ne posait pas de risques pour la santé humaine parce qu’il ciblait des enzymes spécifiques aux plantes. Depuis, de nombreuses études ont suggéré qu’il existait une association entre l’exposition au glyphosate et certains problèmes de santé, mais il n’y a pas encore de consensus au sujet des effets de cet herbicide sur la santé humaine », rappelle le responsable de l’étude, Martin Pelletier, professeur à la Faculté de médecine de l’Université Laval et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval.
Le glyphosate affecterait, entre autres, certaines fonctions du système immunitaire, poursuit le chercheur. « Le dénominateur commun de ces problèmes est une réponse inflammatoire exacerbée, souligne-t-il. C’est ce qui nous a donné l’idée d’étudier les effets du glyphosate sur les neutrophiles, les globules blancs les plus abondants du corps humain et ceux qui sont les premiers à se rendre sur le site d’une infection. »
Pour ce faire, les chercheurs ont isolé des neutrophiles du sang humain et ils les ont exposés à trois concentrations de glyphosate : la concentration moyenne retrouvée dans l’urine de la population adulte, celle rapportée chez les travailleurs agricoles exposés à cet herbicide et celle de personnes qui se sont intoxiquées avec ce produit.
Résultats? « Aux trois concentrations testées, nos résultats indiquent que le glyphosate provoque une perturbation de deux mécanismes utilisés par les neutrophiles pour lutter contre les agents infectieux », résume le professeur Pelletier.
Les chercheurs ont en effet observé une augmentation de la production de dérivés réactifs de l’oxygène. « Il s’agit de molécules telles que le peroxyde que les neutrophiles produisent pour éliminer les microbes après les avoir absorbés, explique le chercheur. Une surproduction de dérivés réactifs de l’oxygène a des effets néfastes sur l’organisme parce qu’ils endommagent nos propres tissus. »
Les chercheurs ont aussi noté un effet de l’exposition au glyphosate sur la production d’interleukine-8, une molécule qui sert à attirer les autres cellules immunitaires vers un site d’infection. Le niveau d’interleukine-8 est naturellement 50 % plus élevé chez les neutrophiles des femmes que chez ceux des hommes. « En présence de glyphosate, la production d’interleukine-8 augmente dans les neutrophiles d’hommes, mais elle ne change pas dans les neutrophiles de femmes. Leurs niveaux deviennent alors comparables, ce qui ajoute un élément de preuve à l’idée que le glyphosate est un perturbateur endocrinien », note le professeur Pelletier.
Le glyphosate est l’herbicide le plus vendu dans le monde. Entre 1994 et 2014, les quantités utilisées annuellement sont passées de 16 millions de kilogrammes à 79 millions de kilogrammes. « Le glyphosate et ses métabolites sont détectables dans 80 % de la population, rappelle le chercheur. Ils se retrouvent dans de nombreux organes, dans le sang et dans le lait humain. Le corps élimine ces produits en 48 heures, mais nous en ingérons continuellement par le biais de notre alimentation. »
« Maintenant que nous avons établi que les fonctions des neutrophiles peuvent être perturbées in vitro par le glyphosate, nous voulons déterminer si le même phénomène est observable chez des personnes qui sont particulièrement exposées à cet herbicide, les travailleurs agricoles. Si c’était le cas, cela pourrait affecter leur capacité de répondre aux infections en plus de provoquer d’autres problèmes de santé », conclut le professeur Pelletier.
Les signataires de l’étude publiée dans Environmental Research sont Pier-Olivier Leblanc, Yann Breton, Florence Léveillé, Philippe Tessier et Martin Pelletier.
Source :
Direction des communications
Université Laval
418 656-3355