Poser un diagnostic de COVID longue est un exercice hasardeux tant cette maladie est encore mal définie. Une équipe de recherche canadienne dirigée par le professeur Patrick Archambault de l’Université Laval en fait la démonstration dans la revue Nature Communications en rapportant qu’un pourcentage élevé de personnes qui n’ont pas eu la COVID-19 présentent tout de même des symptômes caractéristiques de la COVID longue.
L’équipe de recherche a recruté 6723 personnes qui s’étaient présentées à l’urgence de l’un des 33 centres hospitaliers participants entre le 18 octobre 2020 et le 28 février 2022. « Ces personnes consultaient pour des problèmes de santé qui n’étaient pas forcément liés à une infection respiratoire », précise Patrick Archambault, professeur à la Faculté de médecine, chercheur à VITAM Centre de recherche en santé durable et urgentologue intensiviste au Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches.
Les scientifiques ont divisé ces patientes et patients en deux groupes. Le premier était composé de 3933 sujets qui avaient eu un test positif à la COVID-19 au cours des 14 jours précédant leur visite à l’urgence, au moment de leur visite à l’urgence ou dans les 14 jours qui ont suivi. Les 2790 autres sujets, qui formaient le groupe témoin, avaient eux aussi été soumis à un test de COVID-19 pendant cette période, mais le résultat était négatif. « De plus, ils ont rapporté ne pas avoir eu un résultat positif au test de COVID-19 pendant toute la durée de leur participation à l’étude, soit entre 6 et 12 mois », ajoute le professeur Archambault.
Toutes ces personnes ont été contactées ultérieurement pour savoir si elles avaient des symptômes depuis leur visite à l’urgence. Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les symptômes de la COVID longue sont la distorsion du goût, la perte de l’odorat, la toux persistante, des étourdissements, des douleurs, des troubles du sommeil, des difficultés à se concentrer, des problèmes de mémoire, un essoufflement ou encore une fatigue disproportionnée après un effort physique. « Ces symptômes doivent être nouvellement apparus après une infection confirmée ou soupçonnée à la COVID-19, ils doivent être encore présents trois mois après l’infection, ils doivent durer depuis au moins deux mois et ne pas être attribuables à une autre condition », rappelle le professeur Archambault.
Les réponses fournies par les personnes participantes ont permis de déterminer que 39 % des personnes du groupe COVID-19 répondaient aux critères diagnostiques de la COVID longue. « Des médecins qui auraient examiné ces personnes auraient pu conclure, sur la base de la définition de l’OMS, qu’elles avaient la COVID longue », estime le chercheur.
La suite est plus surprenante. Près de 21 % des personnes qui n’avaient pas eu de test positif à la COVID-19 et qui ne croyaient pas avoir eu cette maladie présentaient, elles aussi, au moins l’un des symptômes de la COVID longue. « Il y a une mince possibilité qu’une partie de ces personnes aient eu une COVID-19 asymptomatique dans les mois qui ont suivi leur visite à l’urgence, reconnaît le professeur Archambault. Par contre, je crois que ce résultat démontre surtout le manque de spécificité de la définition de la COVID longue. Le résultat est qu’il y a possiblement un surdiagnostic de cette maladie. »
Ce flou peut avoir des répercussions sur les patientes et les patients, poursuit-il. « D’une part, les personnes dont les symptômes sont faussement attribués à la COVID longue pourraient ne pas recevoir le traitement qui conviendrait à leur condition. D’autre part, le surdiagnostic de la COVID longue peut nuire aux efforts visant à mieux comprendre et à mieux traiter cette maladie. D’ici à ce qu’on dispose de biomarqueurs valides pour la COVID longue, il faut continuer de tester, pendant la phase aiguë de la maladie, tous les patients et patientes chez qui on soupçonne une COVID-19. On éviterait ainsi d’inclure parmi ceux et celles souffrant de COVID longue des personnes qui n’ont pas eu la COVID-19. »
Les autres signataires de l’étude parue dans Nature Communications qui sont rattachés à l’Université Laval sont Martyne Audet, Matthew Menear, Éric Mercier, Jean-Sébastien Paquette, Elyse Berger Pelletier et Sébastien Robert.