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La compréhension des émotions véhiculées par des modulations vocales diminue avec l’âge, selon une étude publiée récemment par une équipe de l’Université Laval dans le Journal of Speech, Language, and Hearing Research.
L’équipe de recherche est arrivée à ce constat après avoir comparé la capacité à décoder la prosodie affective chez de jeunes adultes et chez des personnes âgées. « La prosodie affective est la modulation acoustique de la voix qui permet de transmettre des émotions », explique la responsable de l’étude, Laura Monetta, professeure à la Faculté de médecine de l’Université Laval et chercheuse au Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale (CIRRIS). « La prosodie est plus importante que ce que l’on croit dans la vie quotidienne parce que, tout comme les mots, les expressions faciales et les gestes, elle véhicule de l’information essentielle à la communication. »
L’équipe dirigée par la professeure Monetta a réalisé cette étude grâce au concours de 30 personnes âgées de 63 ans et plus, en bonne santé physique et cognitive, et de 30 personnes dont l’âge variait entre 18 et 35 ans, également bien portantes.
« Nous leur avons fait entendre une série de courts énoncés qui véhiculaient une émotion parmi trois émotions agréables - la surprise agréable, la joie, l’émerveillement - et trois émotions désagréables - la colère, la tristesse et la peur. À chaque question, elles devaient choisir, parmi trois réponses présentées à l’écran d’un ordinateur, de quelle émotion il s’agissait », explique la professeure Monetta.
Résultats? Les jeunes ont identifié correctement les émotions dans 90 % des cas alors que le taux de réussite était de 79 % chez les personnes âgées. La différence entre les deux groupes provient essentiellement de deux émotions que les personnes âgées semblent percevoir moins distinctement. Il s’agit de l’émerveillement et de la tristesse, identifiés correctement dans 57 % et 80 % des cas par les personnes âgées contre 79 % et 98 % par les jeunes.
« Ces deux émotions sont caractérisées par une faible activation physiologique », souligne la professeure Monetta. « Ce sont des émotions que l’on pourrait qualifier de moins intenses par rapport aux quatre autres. De plus, l’émerveillement est une émotion moins présente dans la vie de tous les jours. Même les jeunes ne parviennent pas toujours à l’identifier. »
L’équipe a réalisé d’autres tests pour tenter de cerner la cause des différences observées entre les deux groupes. « Nos résultats montrent que les capacités cognitives sont similaires, tout comme la capacité de distinguer la tonalité, l’intensité et la durée des sons. Nous n’avons décelé aucune différence entre les groupes quant à la capacité d’assigner correctement des mots écrits à des émotions agréables ou désagréables. L’explication se trouve donc ailleurs. »
En effet, la moins bonne performance des personnes âgées serait une question de lexique prosodique, a révélé un autre test mené par cette équipe « Au fil de notre vie, nous construisons dans notre cerveau un répertoire d’intonations que nous associons à une émotion correspondante », explique la chercheuse. « Lorsque nous entendons une phrase, nous comparons son patron prosodique aux patrons emmagasinés dans notre mémoire pour identifier l’émotion qu’elle véhicule. Les personnes âgées parviendraient plus difficilement à réaliser cette tâche. »
La diminution de la compréhension des émotions véhiculées par les modulations vocales est un embêtement mineur du vieillissement normal. Le problème est beaucoup plus préoccupant chez les personnes atteintes de maladies neurodégénératives comme le parkinson et chez les personnes qui ont eu un accident vasculaire cérébral affectant l’hémisphère droit, estime la professeure Monetta.
« Certaines personnes qui doivent composer avec ce problème ont tendance à s’isoler socialement parce qu’elles n’arrivent pas à saisir les émotions de leurs interlocuteurs. Les résultats de notre étude vont nous aider à poursuivre le développement de traitements destinés à ces patients », conclut la chercheuse.
Cette étude fait partie du projet de doctorat d’Héloïse Baglione, qui en est la première auteure. Les autres signataires de l’étude sont Vincent Martel-Sauvageau et Laura Monetta, du CIRRIS, et Andréanne Sharp, du Centre de recherche CERVO.
Source :
ULaval communications
Université Laval

























