11 avril 2023
L’insécurité alimentaire augmente dans le monde, dans l’indifférence. Voici ce que nous pouvons faire
Cet article est tiré de The Conversation, un média en ligne d'information et d'analyse de l'actualité indépendant qui publie des articles grand public écrits par des scientifiques et des universitaires, dont l'Université Laval est partenaire.
Un texte de Félix Bhérer-Magnan, doctorant en science politique à l'Université Laval.
Se nourrir pour survivre, c’est ce que beaucoup d’êtres humains tentent de faire.
Au niveau international, il existe une constellation d’organisations ayant comme mission de lutter contre la faim, dont le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture et le Fonds international de développement agricole.
Mais malgré ces organisations internationales et non gouvernementales (ONG) visant l’élimination de la faim dans le monde, la situation actuelle est dramatique. La faim dans le monde est en constante augmentation pour la sixième année consécutive.
Membre de l’Observatoire des droits de la personne affilié au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM) et étudiant au doctorat en science politique, mes intérêts de recherche portent sur la justice climatique, les droits de la personne et la transition énergétique.
Des millions d’êtres humains touchés par la famine
Selon les projections du PAM, au moins 345 millions de personnes seront en situation d’insécurité alimentaire en 2023. C’est le double du nombre enregistré en 2020. À l’heure actuelle, on parle de 43,3 millions de personnes dont la vie est gravement menacée par la famine. Il s’agit d’une croissance dix fois plus rapide qu’il y a cinq ans.
Parmi les pays les plus touchés par la famine, on retrouve l’Afghanistan, dont 90 % de la population vit sous le seuil de la pauvreté. Suivent de près l’Éthiopie, le Nigeria, la Somalie, le Soudan du Sud et le Yémen. Il ne faut pas non plus oublier Haïti, le Honduras, le Liban et le Sri Lanka.
Plus largement, ce sont environ 828 millions de personnes, soit près d’une personne sur neuf, qui n’a aucune idée du moment de leur prochain repas. Et les enfants sont loin d’être épargnés par cette crise. L’UNICEF estime qu’au moins 40 millions d’entre eux sont mal nourris, et ce, dans 15 pays seulement. Ils ne reçoivent pas le strict minimum d’une alimentation diversifiée nécessaire pour grandir et se développer. De plus, en 2020, près de 149 millions d’enfants de moins de cinq ans à travers le monde souffraient d’un retard de croissance.
Les droits de la personne ne sont pas respectés
Les principales causes de la faim dans le monde sont connues, et la liste des pays les plus affectés le confirme : conflits, inégalités et dérèglements climatiques. La guerre en Ukraine, l’un des principaux pays exportateurs de blé, a aussi mis à mal l’approvisionnement dans de nombreux pays. Les récoltes ont chuté de 50 % en 2022.
Dans ce contexte, il ne fait malheureusement pas de doute que les droits fondamentaux de ces populations sont bafoués. Exactement 75 ans après son adoption, la Déclaration universelle des Droits de l’Homme n’est pas honorée. L’article 3 stipule, par exemple, que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». Or, la faim peut conduire à de graves problèmes de santé, voire à la mort. La liberté des individus qui luttent pour survivre se voit fortement limitée.
Ensuite, l’article 25 énonce que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et celui de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement […] ». Il ne fait malheureusement aucun doute que des millions de personnes ont un niveau de vie nettement insuffisant pour assurer leur santé globale, parce que leur alimentation est grandement limitée. Ce manque est susceptible d’exacerber plusieurs autres problèmes de santé.
Finalement, en dépit de l’article 28, il est impossible d’affirmer que toute personne profite d’un environnement où règne l’ordre, sur le plan social et sur le plan international, comme les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration.
La communauté internationale s’est pourtant engagée à éradiquer la faim dans le monde d’ici 2030, soit dans moins de huit ans. L’objectif principal ne peut être plus clair et précis : garantir l’accès de tous et toutes, notamment des personnes en situation de pauvreté et de vulnérabilité y compris les nourrissons, à une alimentation sécuritaire et suffisante tout au long de l’année.
Cependant, l’aide internationale est actuellement insuffisante pour combler tous les besoins en nourriture. Pendant ce temps, les étalages des supermarchés en Amérique du Nord et en Europe regorgent de nourriture. Alors que le tiers de l’ensemble de la nourriture produite sur la Terre est gaspillé ou perdue.
Des solutions existent
Dans ce même ordre d’idées, seulement 47 % du financement de la lutte contre la faim par l’entremise du système humanitaire onusien est comblé. En d’autres mots, moins de la moitié du financement est atteint. Ce dernier provient majoritairement des États-Unis, de l’Allemagne, de l’Union européenne, du Royaume-Uni et du Canada. Les donateurs privés constituent aussi une source majeure de financement. Notons que le PAM est entièrement financé par des dons volontaires, qui totalisaient en 2022 près de 14 milliards de dollars. Or, le manque de fonds exacerbe d’autres problématiques comme l’itinérance, la pauvreté, les problèmes de santé majeurs et la malnutrition.
Heureusement, des solutions existent. Outre un réinvestissement massif dans le Programme alimentaire mondial, des sommes devraient être consacrées aux propriétaires de petites exploitations agricoles et maraîchères. Ces dernières fournissent des emplois, des revenus et de la nourriture. Un soutien financier et matériel permettrait ainsi de profiter du plein potentiel de leur culture. De plus, des investissements régionaux ciblés devraient aussi être destinés à la prévention de la dégradation des sols, au soutien à l’agriculture durable et à la résilience des aménagements agricoles.
Ensuite, la mise en place d’un programme universel de repas scolaires devrait être une priorité, alors que 370 millions d’enfants dans le monde arrivent à l’école le ventre vide. Il serait aussi tout à fait justifié d’imposer une taxe sur les bénéfices des grandes entreprises du G7, comme le suggère Oxfam. Des experts proposent aussi que chaque pays alloue 1 % de leur produit intérieur brut (PIB) au système alimentaire et à la recherche liée à l’alimentation. Les pays en développement pourraient recevoir une aide pour atteindre la cible.
Aujourd’hui, on ne peut que constater l’échec du système international de préserver la dignité des individus et de leur garantir les besoins de base. Les structures dont la communauté internationale s’est dotée pour répondre aux problématiques sont incapables de répondre aux défis actuels.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.