18 octobre 2023
Découvrez six animaux fascinants qui vivent au fond du fleuve Saint-Laurent!
Cet article est tiré de The Conversation, un média en ligne d'information et d'analyse de l'actualité indépendant qui publie des articles grand public écrits par des scientifiques et des universitaires, dont l'Université Laval est partenaire.
Un texte co-signé par: Philippe Archambault, professeur et co-directeur scientifique d'ArcticNet; Cindy Grant, professionnelle de recherche en biologie marine et écologie benthique; Gabrièle Deslongchamps, professionnelle de recherche; Lisa Treau De Coeli, professionnelle de recherche en écologie benthique
Dans cette immensité qu’est le fleuve Saint-Laurent, une diversité impressionnante d’animaux vit sur les fonds marins : cet assemblage d’organismes se nomme benthos.
Ces organismes vivent enfouis dans le sédiment (endobenthos) ou à sa surface (épibenthos). Les invertébrés benthiques sont dépourvus d’une colonne vertébrale, peu mobiles et généralement petits.
Et ils sont loin d’être rares. Des chercheurs répertoriaient déjà, en 1988, plus de 1 855 espèces d’invertébrés benthiques dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent, ce qui représentait alors 84 % de toutes les espèces d’invertébrés du Saint-Laurent marin.
Il va sans dire que plusieurs nouvelles espèces ont été identifiées depuis et que les connaissances ne cessent de se bonifier.
Spécialistes en écologie benthique, nous vous proposons de vous faire découvrir le benthos à travers 6 particularités qui piqueront assurément votre curiosité !
Des vers lumineux
Comme les vers de terre de nos jardins, des vers marins peuplent les fonds océaniques. De formes et de tailles diverses, certains sont même couverts d’écailles. Leur originalité ne s’arrête pas là, puisque certains de ces vers sont capables de bioluminescence ! La production de lumière sous forme de flash lumineux a trois fonctions générales : défensive (pour échapper aux prédateurs), offensive (en support à la prédation) et communicative (pour la reproduction).
Dans le Saint-Laurent, les seuls vers à écailles ayant cette faculté sont du genre Harmothoe et on en recense cinq espèces. Autant en zone côtière qu’en eau profonde, ces espèces sont présentes sur des fonds argileux comme sur des fonds rocheux.
Frileux, les coraux ?
Pour plusieurs, qui dit océan dit vacances, chaleur, plongée… et coraux. Mais les coraux sont-ils exclusifs aux eaux chaudes ? Absolument pas ! Une vingtaine d’espèces vivent dans les eaux du Québec maritime et cette richesse triple si on inclut la côte est canadienne.
Mais qu’est-ce donc que le corail ? Les coraux sont en fait des polypes marins, soit des animaux de forme cylindrique avec une bouche entourée d’un anneau de tentacules, qui sécrètent une molécule, le carbonate de calcium, qui permet de constituer une forme de squelette.
Il en existe deux types : les coraux mous, composés d’un squelette interne qui renforce la structure de la colonie (ensemble d’individus clones), tout en assurant son élasticité, et les coraux durs, où chaque polype sécrète un squelette externe en forme de coupe, créant leur rigidité caractéristique.
Non seulement des coraux habitent les eaux froides du Saint-Laurent, mais l’espèce qui détient le titre du plus gros invertébré marin de la planète est présente à l’entrée du golfe, notamment sur les pentes rocheuses du plateau néoécossais ! Il s’agit de Paragorgia arborea, dont certaines colonies peuvent atteindre six mètres de haut.
Les étoiles de mer : ces gourmandes redoutables
Elles sont souvent colorées et jolies au point de se retrouver dans les boutiques de souvenirs. Mais ne vous fiez pas aux apparences : les étoiles de mer sont des prédateurs redoutables ! Et leur façon de s’alimenter pourrait influencer le regard que vous porterez dorénavant sur elles…
Face aux deux espèces les plus gourmandes du Saint-Laurent (Asterias rubens et Leptasterias polaris), les moules n’ont qu’à bien se tenir ! Grâce à des dizaines de pieds ambulacraires – ces petites ventouses sur la face ventrale – une étoile de mer peut, sans trop de difficulté, ouvrir une moule. Dès que cette dernière montre des signes de faiblesse, l’étoile de mer a la capacité d’extraire son propre estomac de son corps (on dit « dévaginer ») et de l’insérer dans la moule, où, au contact de la chair, la digestion débute. Le repas durera, dans cette position plutôt insolite, une dizaine d’heures. Par la suite, l’étoile de mer ravalera son estomac et se mettra en chasse d’une nouvelle proie.
Vous avez dit centenaire ? !
Présent dans le golfe du Saint-Laurent, notamment aux Îles-de-la-Madeleine, le quahog nordique (Arctica islandica) est l’animal ayant la plus longue espérance de vie au monde. Il s’agit d’un mollusque bivalve, qui est protégé par une coquille calcaire formée de deux valves, comme une moule ou une huître. Le quahog nordique peut vivre facilement jusqu’à 200 ans, mais le plus vieux spécimen, répertorié en Islande, avait 507 ans.
D’autres bivalves sont connus pour vivre longtemps. L’âge de ces mollusques se détermine à l’aide des anneaux de croissance sur les coquilles, un peu comme pour les arbres, mais la technique s’appelle ici de la sclérochronologie. Il est même possible de lire le climat passé dans les coquilles de plusieurs bivalves et d’utiliser cette information pour prédire les conditions futures.
Vers, médecine et Olympiques
Les vers arénicoles (Arenicola marina) se repèrent par la forme typique de leur terrier que l’on peut observer à marée basse sur le littoral du Saint-Laurent (un monticule de petits tortillons).
Bien qu’en apparence banale, ces vers marins pourraient permettre de grandes avancées dans le domaine médical grâce à leur hémoglobine, capable de transporter jusqu’à 50 fois plus d’oxygène que celle de l’humain. Cette propriété particulière permet au ver d’emmagasiner l’oxygène que contient l’eau de mer à marée haute et d’utiliser cette réserve à marée basse.
En médecine, l’hémoglobine du ver arénicole permettrait l’amélioration de la conservation des organes lors des greffes, la confection de pansements oxygénants ou encore le développement d’un substituant sanguin pour des transfusions urgentes.
Bien que ce ver puisse révolutionner la médecine, celui-ci pourrait causer bien des tracas aux agences antidopage pour les sportifs. Quasi indétectables et hyperperformants, les incroyables bénéfices oxygénants de l’hémoglobine du ver arénicole pourraient sans aucun doute augmenter les performances des athlètes aux prochains Olympiques !
De la « crazy glue » naturelle !
Bien que les moules se fassent balloter par les vagues déferlantes à longueur de journée, elles réussissent tout de même à rester bien accrochées aux roches. Leur secret ? Le byssus, un ensemble de fibres de la taille d’un cheveu à la fois solide et élastique.
Les protéines qui composent le byssus forment de la crazy glue naturelle ; cette colle liquide durcit rapidement et permet à la moule d’adhérer avec une ténacité inégalée à quasiment toutes les surfaces, même mouillées.
Les propriétés inhabituelles du byssus fascinent les humains depuis l’Antiquité. Autrefois, ces filaments de « soie marine » étaient utilisés pour tisser des vêtements luxueux. Plus récemment, la composition chimique particulière des protéines collantes issues du byssus sert d’inspiration pour la création d’adhésifs sous-marins et de colles chirurgicales.
En conclusion, si l’épifaune est relativement bien connue dans le Saint-Laurent, il en va autrement des connaissances sur l’endofaune, lesquelles demeurent, même en 2023, éparses et ponctuelles. Des initiatives sont en cours pour découvrir et caractériser cette faune qui habite dans les sédiments.
Ces études mèneront assurément à la découverte d’autres faits tout aussi passionnants sur le benthos !
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.