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La technique la plus répandue pour refermer l’utérus après une césarienne entraîne tellement de complications à long terme qu’il est grand temps de la remettre en question. C’est la conclusion à laquelle arrivent deux spécialistes mondiaux en obstétrique-gynécologie dans un numéro spécial de l’American Journal of Obsterics & Gynecology consacré à la césarienne. Les deux experts plaident en faveur du remplacement de l’approche courante par une technique de fermeture qui respecte l’organisation anatomique naturelle de l’utérus.
Dans leur article le Dr Emmanuel Bujold, professeur à la Faculté de médecine de l’Université Laval et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval, et son collègue Dr Roberto Romero, chef de la Pregnancy Research Branch aux National Institutes of Health des États-Unis, dressent la liste des complications à long terme associées aux césariennes ainsi que leur incidence selon une revue exhaustive de la littérature scientifique sur le sujet.
Les séquelles qui peuvent survenir lors d’une grossesse subséquente à une césarienne incluent l’attachement anormal du placenta à l’utérus (jusqu’à 6 % des femmes), qui augmente le risque d’hémorragie grave et d’hystérectomie; la rupture utérine (jusqu’à 3 %), qui peut conduire à la mort du nouveau-né; et la prématurité (jusqu’à 28 %). La santé des femmes peut aussi être affectée par des douleurs pelviennes (jusqu’à 35 %), des saignements postmenstruels (jusqu’à 33 %) et de l’endométriose/adénomyose (jusqu’à 43 %).
La technique utilisée depuis une cinquantaine d’années pour refermer l’utérus après une césarienne consiste à pratiquer des sutures qui traversent et réunissent la muqueuse utérine et les muscles qui l’entourent, rappelle le professeur Bujold. « C’est une méthode qui a l’avantage d’être simple et rapide, ce qui limite les saignements chez la mère. C’est sans doute pourquoi elle a été largement adoptée par les gynécologues-obstétriciens. Par contre, le tissu cicatriciel produit par ce type de fermeture ne permet pas de restaurer l’intégrité anatomique et fonctionnelle de l’utérus », constate le professeur Bujold.
« Lorsqu’on s’arrête pour y penser, ce n’est pas étonnant. Par exemple, quand une personne subit une lacération de la joue, on ne la referme pas en suturant ensemble la muqueuse buccale, les muscles et la peau. Il n’y a pas de raison de le faire avec l’utérus », illustre le chercheur.
La technique de fermeture proposée par les professeurs Bujold et Romero consiste à suturer ensemble les tissus de même nature. Ainsi, la couche musculaire de l’utérus est suturée à deux endroits, soit une suture dans la partie supérieure et l’autre dans la partie inférieure. Une troisième suture est pratiquée pour refermer l’enveloppe qui entoure cet organe. « On n’intervient pas sur la muqueuse utérine de façon à ne pas entraver sa régénération naturelle », précise Emmanuel Bujold.
À l’échelle de la planète, un enfant naît par césarienne à chaque seconde, rappelle le chercheur. Au Canada, environ 27 % des enfants naissent par césarienne, soit pratiquement le double de ce qu’on observait il y a trois décennies. « En raison de la fréquence élevée des césariennes et de ses séquelles à long terme sur la santé des femmes, la recherche de solutions devrait être considérée comme une priorité en santé publique », estime le chercheur.
L’inconvénient de l’approche préconisée par le tandem Bujold-Romero est qu’elle exige un peu plus de temps. « La technique de fermeture courante exige entre 2 et 3 minutes alors que celle que nous proposons demande de 5 à 8 minutes. La perte supplémentaire de sang qui s’ensuit est marginale. Notre position est que la restauration méticuleuse et adéquate de la structure de l’utérus est plus importante que la vitesse de l’intervention. La santé reproductive future des femmes qui subissent une césarienne doit être la priorité », conclut le Dr Bujold.
Source :
ULaval communications
Université Laval

























