22 avril 2025
Grandir à la ferme, une manière de prévenir l’asthme et les allergies
Cet article est tiré de The Conversation, un média en ligne d'information et d'analyse de l'actualité indépendant qui publie des articles grand public écrits par des scientifiques et des universitaires, dont l'Université Laval est partenaire.

Depuis le début des années 2000, plusieurs études ont montré que les taux d’asthme et d’allergies sont significativement plus faibles lorsqu'on a grandi sur une ferme qu’en milieu urbain.
— Shutterstock
Un article cosigné par Paul George, professeur adjoint à la Faculté des sciences et de génie
Selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), la proportion de personnes qui souffrent d’asthme au Québec a presque doublé depuis le début des années 2000. En effet, elle est passée de 6,4 % à 11 % entre 2001 et 2017.
L’Organisation mondiale de la santé associe cette augmentation à l’urbanisation et au mode de vie qui y est associé.
Les allergies au pollen sont également en augmentation selon l’INSPQ, ce qui entraîne une augmentation des coûts pour les gouvernements dans le secteur de la santé.
Comment freiner ces tendances ?
La clé pourrait bien se trouver à la ferme…
En tant que chercheurs en microbiologie, nous proposons d’apporter un éclairage sur les micro-organismes de l’environnement et leurs effets bénéfiques sur la santé humaine.
Les bienfaits insoupçonnés de la campagne
Commençons par une petite mise en situation. Le printemps est arrivé et, dans un élan de générosité, vous décidez de prêter main-forte à votre ami agriculteur pour ses récoltes qui serviront à produire du foin. Quelle bonne idée, n’est-ce pas ? Le hic, c’est que vous oubliez que vous souffrez d’allergies… Malheureusement, il y a de fortes chances que le rhume des fois s’empare de vos voies respiratoires ! Mais étonnamment, votre ami, qui vit à la ferme depuis toujours, ne semble jamais rencontrer de tels problèmes.
Cette distinction n’est pas le fruit du hasard.
Depuis le début des années 2000, plusieurs études ont montré que les taux d’asthme et d’allergies sont significativement plus faibles lorsqu’on a grandi sur une ferme qu’en milieu urbain. En effet, grandir près d’une ferme durant l’enfance pourrait réduire considérablement le risque de développer ces maladies.
Comment expliquer ce phénomène ? À la plus grande diversité de micro-organismes dans l’air.
Les micro-organismes dans l’air forment ce que l’on appelle l’aérobiome. Sa composition dépend majoritairement de l’environnement, soit les conditions météorologiques, la végétation et l’utilisation du territoire.
Et il joue un rôle sur notre santé !
Les bactéries à la rescousse de l’asthme !
La première année de vie est cruciale chez les enfants, car c’est à ce moment que les bactéries, qui forment le microbiome, s’installent dans le corps.
C’est durant cette période que les bactéries du milieu fermier entrent en scène, comme de véritables superhéros ! Elles contribuent à réduire le risque de développer la maladie grâce à leur interaction avec le système immunitaire de l’enfant.
Les fermes, avec leur incroyable diversité bactérienne, offrent un environnement riche pour ces interactions.
D’une part, les bactéries rurales contribuent à établir de nouvelles bactéries dans le système digestif des bébés de 2 à 12 mois. Le tout, en colonisant le corps via les voies d’entrées, telles que la bouche ou directement sur la peau. Une fois installées, elles vont produire un composé anti-inflammatoire, l’acide gras à chaîne courte.
D’autre part, lorsque le corps reconnaît la présence des bactéries environnementales en raison de leur matériel génétique distinctif, il y a production de molécules anti-inflammatoires par le système immunitaire. À long terme, une certaine tolérance aux bactéries se développe. Et cette activité anti-inflammatoire contribue à réduire l’inflammation causée par l’asthme.
D’autres facteurs conjoints autres que l’aérobiome peuvent jouer un rôle contre le de l’asthme et l’allergie, dont la consommation du lait non pasteurisé provenant directement de la ferme.

Vous avez dit toxines ? !
Mais ce n’est pas tout. L’effet protecteur de l’aérobiome pourrait aussi être attribuable à la présence d’un composé sur la partie externe des bactéries, l’endotoxine.
Ce composé inflammatoire, situé dans la membrane des bactéries, peut se retrouver dans l’air et provoque de l’inflammation dans les voies respiratoires.
En milieu fermier, les endotoxines sont omniprésentes. Or, lorsqu’un enfant y est exposé à faible concentration dès son jeune âge, l’endotoxine agit comme un véritable « coach » pour son système immunitaire.
On peut faire l’analogie avec certains types de vaccins, qui administrent le microbe, mais sous une forme inoffensive. Par exemple, le vaccin contre la varicelle permet au corps de développer une défense immunitaire efficace sans subir les effets graves de la maladie.
De manière similaire, en présence d’endotoxines, le système immunitaire des enfants développe des défenses sous forme de cellules spécifiques. Ainsi, des cellules T auxiliaires de type 1 sont présentes en plus grande quantité chez les enfants vivant en milieu fermier. À l’inverse, chez les enfants asthmatiques, ce sont les cellules T auxiliaires de type 2 qui prédominent.
Les cellules T auxiliaires] de type 1 sont associées à la reconnaissance, via les endotoxines, de bactéries infectieuses dangereuses pour la santé. Les composés pouvant causer une réaction allergique sont reconnus par les cellules T auxiliaires de type 2, ce qui explique leur plus grande quantité chez les enfants asthmatiques.
Allergies et tolérance
En ce qui a trait aux allergies, ce serait plutôt le contact régulier avec les sources potentielles d’allergènes qui permettrait de développer une tolérance.
Revenons à l’anecdote de notre ami agriculteur. Puisque celui-ci a toujours habité sur une ferme, il est entré en contact continu avec le foin lorsqu’il était enfant. Son système immunitaire a donc développé une tolérance face à ces composés. Tolérance qui n’est pas présente chez vous, qui provenez d’un milieu davantage urbain.
Certains mécanismes derrière cette protection offerte par la vie à la ferme sont toutefois encore inconnus. Il est aussi probable que certaines personnes sont génétiquement prédisposées à développer certains types de maladies respiratoires.
Dans le cadre de nos travaux de recherche actuels, nous analysons les bactéries présentes dans l’air de plusieurs villes canadiennes et leurs effets inflammatoires. Le rôle des différentes communautés bactériennes sur l’asthme pourrait varier en fonction du gradient latitudinal d’urbanisation et de végétation observées.
C’est bien beau de vanter les bienfaits de la vie rurale, mais il ne faut pas oublier que la majorité de la population vit en milieu urbain.
Peut-être peut-on essayer d’améliorer l’environnement urbain et ainsi profiter des effets bénéfiques de la ferme sans avoir à y habiter ? Favoriser les contacts avec des animaux et augmenter le nombre d’espaces verts diversifiés dans nos centres urbains pourraient notamment constituer des pistes de solution en ce sens.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.