19 décembre 2024
Les cellulaires nuisent à votre relation avec vos enfants et à leur santé mentale
Cet article est tiré de The Conversation, un média en ligne d'information et d'analyse de l'actualité indépendant qui publie des articles grand public écrits par des scientifiques et des universitaires, dont l'Université Laval est partenaire.
Un texte co-signé par le professeur André Plamondon de la Faculté des sciences de l'éducation.
Imaginez que vous jouez avec votre enfant et que votre téléphone sonne. Vous vérifiez la notification et découvrez une vidéo TikTok amusante envoyée par votre amie. Vous regardez la vidéo, répondez à votre amie et commencez à lui demander comment se passe sa journée.
Pendant ce temps, votre enfant s’efforce de vous montrer la tour de cubes qu’il a construite, mais il ne parvient pas à attirer votre regard, malgré ses efforts.
Ce scénario vous semble-t-il familier ? Une récente étude américaine a suivi l’utilisation quotidienne du téléphone intelligent par les parents et a découvert que ces derniers l’utilisent en moyenne plus de cinq heures par jour. De plus, une autre étude américaine a révélé que 68 % des parents disent être distraits par leur téléphone lorsqu’ils interagissent avec leurs enfants.
En tant que chercheurs en psychologie s’intéressant aux relations parents-enfants, nous avons récemment mené une étude auprès de préadolescents canadiens pour examiner comment cette interférence de la technologie, qu’on appelle technoférence, peut nuire à la santé mentale de l’enfant.
Une source de distraction constante
Lorsque vous fixez votre téléphone plutôt que la personne avec qui vous êtes en train d’interagir, cette personne peut se sentir dévalorisée, voire ignorée. Lorsque fréquente, la technoférence peut devenir un problème important dans n’importe quelle relation, mais elle peut avoir des conséquences plus graves au sein des relations parents-enfants.
Ce problème est d’autant plus préoccupant que la technologie numérique est maintenant omniprésente et facilement accessible, ce qui en fait une source de distraction constante et tenace.
Les téléphones sont devenus nos compagnons inséparables. Les téléphones nous accompagnent presque partout, que ce soit lorsque nous allons d’une pièce à l’autre à la maison ou lorsque nous sortons. De plus, les appareils numériques, les applications et les algorithmes ont été intentionnellement conçus pour capter et retenir notre attention. Cela fait en sorte qu’il est facile de s’y laisser prendre, mais aussi que ça complique le désengagement.
Les relations parents-enfants
La recherche démontre que les enfants se développent de manière optimale lorsque les interactions avec leurs parents sont de nature engagée et cohérente, et lorsque leurs parents répondent à leurs besoins de façon constante. Ces interactions contribuent à mettre les bases solides d’un développement cérébral, social et émotionnel sain. Cependant, la technoconférence fréquente peut perturber les interactions essentielles entre parents et enfants.
Cela dit, il faut reconnaître que l’utilisation de la technologie fait partie intégrante de notre quotidien, y compris celui des enfants. Les parents ont tendance à consulter fréquemment leur téléphone pour organiser leur agenda, découvrir des activités à faire en famille et communiquer avec d’autres individus. De cette manière, la technologie s’avère être un outil indispensable, voire avantageux, pour les parents.
Le problème de la technoférence se pose lorsque les parents consultent leur téléphone trop souvent, au point de manquer des occasions clés d’interagir avec leurs enfants.
La santé mentale des préadolescents
Dans notre récente étude publiée dans le journal JAMA Network Open, nous nous sommes demandé si la technoférence influençait la santé mentale des préadolescents. La période de la préadolescence (neuf à 11 ans) est cruciale pour le développement des problèmes de santé mentale, car c’est durant cette période qu’ils deviennent plus fréquents.
Nous avons suivi 1 300 préadolescents sur une période de deux ans. Ils ont rapporté la fréquence à laquelle leurs parents s’adonnaient à la technoférence et leurs symptômes psychologiques (anxiété, inattention et hyperactivité/impulsivité).
En ce qui concerne la technoférence, environ 60 % des préadolescents ont exprimé le désir que leurs parents passent moins de temps sur des appareils technologiques en leur compagnie. De plus, environ 50 % des préadolescents ont déclaré qu’ils se sentaient agacés par la technoférence de leurs parents.
Nous avons aussi trouvé que plus un parent présentait de hauts niveaux de technoférence, plus son préadolescent en venait à développer des symptômes d’inattention (comme la difficulté à se concentrer) et d’hyperactivité (comme la difficulté à rester assis).
Plusieurs mécanismes pourraient expliquer cette association. La technoférence peut nuire à la capacité des parents à soutenir les compétences de gestion des émotions de leur enfant, ce qui affecte finalement sa propre capacité à réguler son comportement. Il est aussi possible que, lorsque les parents utilisent fréquemment la technologie, leurs enfants passent également plus de temps à l’utiliser, ce qui est associé, en soi, à davantage de symptômes d’inattention et d’hyperactivité.
De plus, nous avons trouvé une association entre l’anxiété et la technoférence. En effet, quand les préadolescents étaient plus anxieux, les parents faisaient ensuite plus de technoférence. Une explication possible est liée au fait que les parents peuvent avoir de la difficulté à gérer l’anxiété de leurs enfants. Ils peuvent considérer leurs appareils technologiques comme une échappatoire aux interactions difficiles. Une autre possibilité est qu’ils utilisent leurs appareils comme un moyen d’obtenir du soutien afin d’aider leur préadolescent.
Comment réduire la technoférence dans vos interactions
La plupart d’entre nous souhaitent minimiser l’impact de la technologie sur nos interactions. Comment y arriver ? Voici trois méthodes efficaces pour limiter la technoférence dans nos relations.
1. Soyez conscient de votre utilisation de la technologie en présence d’autres personnes. Lorsque vous constatez que votre téléphone vous distrait pendant des échanges, il est pertinent de s’interroger sur la nécessité de cette intrusion technologique. Dans notre société de plus en plus interconnectée, il est possible qu’un message électronique nécessite une réponse immédiate. Cependant, si vous vous surprenez à parcourir les dernières mises à jour sur les réseaux sociaux, il peut être judicieux de reconsidérer l’utilisation de la technologie dans ces circonstances.
2. Prévoyez des moments où vous n’utilisez pas d’appareil technologique. Le simple fait qu’un téléphone soit sur la table pendant un repas avec quelqu’un peut réduire le plaisir associé à passer du temps ensemble. Cherchez une plage horaire dans votre journée où vous n’avez pas besoin d’être connecté à la technologie, par exemple lors des repas en famille. Ensuite, choisissez délibérément de laisser votre appareil dans une autre pièce.
3. Luttez contre l’envie de tout documenter. Certains d’entre nous ressentent une pression pour documenter chaque aspect de notre vie quotidienne sur les réseaux sociaux. Cela signifie intégrer des appareils technologiques dans nos interactions quotidiennes.
Étant donné que l’utilisation du téléphone par les parents peut entrainer une diminution du sentiment de connexion avec l’enfant, il est important de chercher à être davantage dans le moment présent et de simplement apprécier notre temps avec nos proches.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.