15 octobre 2024
C’est la relève en recherche qui mènera les grandes transformations mondiales
Cet article est tiré de The Conversation, un média en ligne d'information et d'analyse de l'actualité indépendant qui publie des articles grand public écrits par des scientifiques et des universitaires, dont l'Université Laval est partenaire.
Un texte cosigné par Marie-Violaine Dubé Ponte, étudiante au doctorat à la Faculté des sciences infirmières.
L’urgence d’agir face aux grandes transformations mondiales mobilise les jeunes générations. Elle les pousse à militer pour des mesures politiques et sociales concrètes. La relève en recherche s’inscrit dans ce mouvement en produisant les savoirs scientifiques qui façonneront l'avenir.
Comment améliorer le rayonnement de tels travaux afin qu'ils aient un impact réel ? Autrement dit, comment faire pour que ces nouvelles connaissances éclairent les décisions politiques municipales, nationales ou internationales ?
Ces questions ont mené à la création, en 2014, du Réseau international en conseil scientifique gouvernemental (INGSA). L'organisation rassemble aujourd’hui plus de 6 000 membres provenant de 150 pays. Elle laisse aux jeunes générations une place prépondérante. Ses chapitres régionaux et communautés de pratique offrent des ateliers de formation adaptés à une diversité de contextes culturels et politiques.
Nous sommes respectivement Scientifique en chef du Québec/président de l’INGSA et membre du Comité intersectoriel étudiant (CIE) du Fonds de recherche du Québec (FRQ). Le CIE est un comité consultatif du FRQ qui a pour mandat d'identifier des stratégies pour optimiser le potentiel de la relève en recherche et valoriser son rayonnement ainsi que ses impacts dans la société. Nous faisions partie des principaux organisateurs du congrès INGSA2024: The Transformation Imperative qui a eu lieu en mai à Kigali, au Rwanda.
Le concept de « relève en recherche » se veut ici inclusif et englobe les étudiants ou étudiantes ainsi que les chercheurs ou chercheuses post-doctoraux et en début de carrière, de tout horizon. Le congrès offrait aux membres de la relève intéressés par l'interface science-politique-société une occasion exceptionnelle de partager leurs expériences, renforcer leurs capacités et développer des moyens d'utiliser les preuves scientifiques dans l'élaboration des politiques. Nous dégageons aujourd’hui les principaux constats qui y ont été formulés par et pour la relève.
Comprendre le pouvoir d’influence de la science
L'acquisition de compétences spécifiques est nécessaire pour faire du conseil ou de la diplomatie scientifiques. C’est là où science, politique et société arrivent à s'arrimer pour mener les grandes transformations et contribuer à la résolution de conflits mondiaux.
Le conseil scientifique vise à éclairer la prise de décision de tous les niveaux de gouvernement. Il consiste à présenter aux instances politiques des preuves scientifiques, nommées données probantes, à propos de thématiques d'intérêt.
Au Canada, des approches en conseil scientifique se réalisent à travers les bureaux de scientifiques en chef à différentes échelles gouvernementales (fédérale, municipale et, au Québec uniquement, provinciale). Comités-conseils, groupes de recherche et laboratoires d'idées représentent d'autres canaux par lesquels la relève en recherche peut alimenter le dialogue politique.
La diplomatie scientifique, quant à elle, permet de tisser des liens qui contribuent à réduire les conflits mondiaux. Par exemple, la collaboration en recherche scientifique FRQ-PALAST a jeté en 2017 des ponts entre le Québec et la Palestine, quand cette nation avait grand besoin de renforcer ses conversations internationales.
La diplomatie peut aussi s’incarner dans un soutien-conseil scientifique au sujet des politiques étrangères ou de sécurité. Sur cette base, diplomates, conseillers ou conseillères scientifiques issus de ministères des Affaires étrangères d'une trentaine de pays échangent sur la plateforme Foreign Ministries Science & Technology Advice Network .
La relève a pour sa part l’occasion de s’initier à la diplomatie scientifique dans des écoles d’été ou par le programme de scientifique en résidence dans les délégations du Québec à l'étranger.
L’intelligence politique : une compétence essentielle
Échanger avec les gouvernements demande une connaissance du langage, des dynamiques et des cultures politiques. C’est ainsi que se développe l’intelligence politique. Cette compétence permet de traduire les données scientifiques pour qu'elles soient comprises par les gouvernements.
L’intelligence politique s’acquiert principalement sur le terrain. C'est par l’observation des processus propres aux différentes cultures politiques qu'on apprend à lire adéquatement son environnement.
La relève veut effectuer du conseil scientifique à son image, en intégrant l'expérience de ses mentors. Ceci se reflète dans les points de vue exprimés au sein du recueil publié en marge du congrès INGSA2024, dont voici les grandes lignes:
1. Assurer un conseil scientifique inclusif et équitable. Les jeunes générations adhèrent aux valeurs d’équité et d’inclusion. Celles-ci se reflètent dans la transition vers une science ouverte, plus accessible aux instances politiques et à la population.
Les générations émergentes s’intéressent aux initiatives internationales comme DORA et CoARA, qui redéfinissent les modalités d’évaluation de la recherche. Le rapport sur l’excellence du CIE et la synthèse, co-écrite par la Global Young Academy, témoignent d'efforts pour rendre l’écosystème scientifique plus représentatif des diversités formant nos sociétés.
2. Collaborer autrement avec la classe politique. La relève veut transcender les traditionnelles demandes d'information scientifique pour optimiser ses interactions avec le monde politique. Tester directement une hypothèse formulée par un gouvernement (par exemple, sur les retombées d’une action envisagée) rapproche les instances de leurs décisions. Les jeunes comprennent d’ailleurs la plus-value de l’intelligence artificielle pour contextualiser des preuves en fonction de caractéristiques sociétales. Mieux cerner les besoins politiques favorisera le recours systématique au conseil scientifique.
3. Protéger l’impartialité du financement de la recherche. Les jeunes chercheurs croient à l’importance de tenir des consultations entre population, secteur privé, universitaires et autres spécialistes. Ces rencontres préviennent les conflits d'intérêts qui menacent tout processus d’influence politique. Elles permettent aussi de définir et de prioriser les enjeux qui accompagnent les grandes transformations.
Prendre part au futur
La relève en recherche a le pouvoir et la possibilité de s’outiller pour jouer un rôle clé dans la transformation du monde qui s’opère actuellement.
Pour protéger la place que la science prendra dans ces changements majeurs de société, la relève aura toutefois à s’engager dans un effort global, où l’expertise individuelle saura influencer de manière positive l’avenir de l’humanité.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.